Livres à vous

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Coups de coeur du 21 février 2023

DES POLARS

Brigitte recommande la lecture de Dans les brumes de Capelans (Michel Lafon, 2022), d’Olivier NOREK.

Ce roman policier est le quatrième d’une série commencée par l’auteur en 2013 et qui suit les enquêtes du Capitaine Coste (trois premiers volumes : Code 93, Territoires, Surtensions). On retrouve donc ce personnage et toute sa complexité à Saint-Pierre et Miquelon, où il a été muté suite au décès de son adjointe. Il y vit et y travaille secrètement car il a été missionné sur un dossier classé secret-défense dans le cadre duquel il interroge des repentis pour leur permettre de vivre une nouvelle vie. On lui envoie notamment Anna, 24 ans, qui a été retrouvée après 10 ans de séquestration dans la planque d’un serial killer surnommé « le monstre » en compagnie du cadavre d’une autre femme. Revirements et rebondissements en tous genres, on suit cette enquête palpitante dont le suspense nous tient jusqu’au bout. C’est diablement rythmé et très bien écrit.

Marie-Jacqueline s’est attaquée à une autrice italienne dont nous avions déjà parlé : Ilaria TUTI. Sur le toit de l’enfer (Robert Laffont, 2018) est le premier volume d’une série de romans policiers autour de la figure du Commissaire Teresa Battaglia. Comme dans A la lumière de la nuit (2022), on suit cette enquêtrice dans les montagnes de l’extrême nord-est de l’Italie. Des meurtres ont eu lieu dans un village à la frontière italo-autrichienne, qui vont nous faire remonter à la Seconde Guerre Mondiale. Malgré une entrée un peu difficile dans l’univers de cette autrice, toujours plein de mystères, on finit par se laisser embarquer par l’histoire. Construit sur de nombreux allers et retours entre le passé et le présent, le récit alterne entre action et passages descriptifs, et s’attache à créer une atmosphère inquiétante dans un décor un peu envoûtant, dans lesquels évoluent des personnages aux nombreux secrets. L’auteur s’arrête beaucoup sur la personnalité des enquêteurs, leur histoire et leurs états d’âme. Un polar qui change.

DES ROMANS

Mariette nous fait découvrir une curiosité avec le roman court Mes désirs futiles de Bernardo ZANNONI (La table ronde, 2023).
Il s’agit du premier roman d’un jeune auteur italien, écrit sous forme de fable animalière ou de conte philosophique. Le héros de cette histoire n’est autre qu’une fouine du nom d’Archie, qui naît dans une portée nombreuse où il s’agit d’abord et avant tout de lutter pour sa survie, sans trop se poser de questions. Son père a été tué par un humain et sa mère se démène tant qu’elle peut pour nourrir ses petits en plein hiver. Quand la mère fouine ne parvient plus à nourrir ses petits, elle va voir un renard prêteur sur gages, à qui elle vend Archie. L’histoire prend alors des allures d’intrigues mafieuses. Ce récit est une sorte de Roman de Renart du XXIe siècle, qui décrit une vie animale brutale et cruelle. Les descriptions sont pourtant incroyablement humaines, très sensibles et on a vraiment l’impression d’être au milieu de ces petites fouines lorsqu’elles se blotissent dans leur nid. Le récit est bien écrit, d’une forme simple, ce qui contraste avec les questionnements complexes qu’il soulève. Très plaisant.

Geneviève a lu Chien 51 (Actes Sud, 2022), de Laurent GAUDE, évoqué lors d’un précédent Livres à vous. Ce roman futuriste sur fond d’enquête policière l’a scotchée.

Christine a beaucoup aimé la Saga des Neshov, d’Anne B. RAGDE qui commence avec La terre des mensonges (ed. 12-21, 2015) et se termine avec Les liens éternels (ed. 10/18, 2021).
Dans cette saga familiale, qui se situe dans une ferme perdue de la Norvège, on s’attache énormément aux différents membres de cette famille complètement dispersée qui se retrouve petit à petit autour de plusieurs décès. Une nièce de la première défunte est le fil conducteur de cette série de romans assez sombres puisque tournant beaucoup autour de la mort, du deuil et des mensonges. Mais ce n’est que pour mieux décrire la renaissance de cette famille qui tente de se reconstruire. Une très belle histoire et une très belle plume.


Nolwenn fait part de sa lecture de L’île haute (Actes Sud, 2022), de Valentine GOBY, paru à l’automne dernier.
On arrive avec un enfant, en hiver, par le train puis à pied dans la neige, en Montagne, au-dessus de Chamonix. On est en 1943 et cet enfant, Vadim, un petit parisien de 9-10 ans, de confession juive, est envoyé en Haute-Savoie par ses parents pour se cacher. Avant de monter dans le train, on lui a dit juste qu’il serait désormais « Vincent », et rien d’autre. Et quand Vincent/Vadim découvre la montagne pour la première fois, c’est un choc absolu, un émerveillement de chaque instant devant cette nature impressionnante qui n’avait jusqu’ici aucune réalité pour lui. Il va s’installer dans sa famille d’accueil comme dans ce paysage, essayer de s’y fondre, prendre le rythme des saisons et des nécessités de la vie en montagne. Il va apprendre le ski et adorer cela, se lier d’amitié avec une petite fille surnommée Moinette qui, pour son plus grand étonnement, ne joue jamais, mais participe aux tâches courantes de la vie, comme tous les petits montagnards. Dans ce roman, la montagne devient le personnage principal. Majestueuse, elle impose une grande humilité aux hommes et, loin d’être effrayante et dangereuse aux yeux de Vincent, elle va devenir un refuge, presque une mère de substitution. C’est beau, délicat et extrêmement bien écrit, très immersif, avec des descriptions sensuelles et poétiques.

UN DOCUMENTAIRE

Geneviève s’est plongée dans Bienvenue dans mon monde :
Moi, Paul, autiste asperger
, de Paul EL KHARRAT (Harper Collins, 2022).
Dans ce documentaire autobiographique, l’auteur retrace son parcours quelque peu chaotique. En effet, enfant, il rencontre de nombreuses difficultés sur lesquelles personne n’arrive vraiment à mettre de mots. Il a vraisemblablement un handicap, mais de quel type ? Ce n’est qu’à l’âge de 16 ans qu’il est enfin diagnostiqué autiste, de type Asperger. Pour autant, il ne bénéficiera d’aucun suivi particulier. Et ce sera pour lui un parcours du combattant pour accepter cette différence et la faire entendre aux autres. Il se livre avec beaucoup de sincérité, de sensibilité et de lucidité. Il partage sa vision du monde et nous donne à comprendre ce qu’autiste Asperger veut dire au quotidien car être hypermnésique n’est pas une sinécure, pas plus qu’être hypersensible à tout ce qui l’entoure (bruits, odeurs, couleurs, etc.). Et pourtant, cela peut aussi être source de beaucoup de joie. Il raconte notamment combien ses passages à la télévision et à la radio lui ont fait le plus grand bien, lui redonnant confiance en lui. C’est une belle histoire et une belle mise en lumière de ce trouble.

…ET DES BD…

Mariette partage sa lecture du roman graphique Cache-cache bâton d’Emmanuel LEPAGE (Futuropolis, 2022).
Par besoin de comprendre la démarche de ses parents dans la France d’après 1968, il raconte leur vie dans une communauté en Bretagne. Ou comment ils vont trouver d’autres personnes, un terrain, puis un logement pour essayer de vivre autrement. Les allers et retours dans le temps rendent le récit parfois complexe mais l’histoire de cette communauté est très intéressante, avec un décalage entre les difficultés que les adultes ont pu rencontrer dans ce projet de vie atypique et l’enthousiasme des enfants, dont l’auteur, qui ont adoré cette vie de liberté absolue. Se greffe à cette histoire celle d’un curé qui, dans ce même village, a voulu lui aussi créer une communauté, mais religieuse cette fois. De magnifiques aquarelles, parfois en couleurs et parfois en noir et blanc selon l’époque, de belles double-pages et un dessin précis et coloré rendent l’ensemble très beau.

Nolwenn présente Ladies with guns , d’Olivier BOCQUET au scénaria et Anlor au dessin.
On oublie la délicatesse et la douceur dans cette BD. Ca pétarade dans tous les sens, jusque dans le dessin qui explose régulièrement le cadre de la page. Les personnages principaux sont des femmes, mais ça ne fait pas dans la dentelle. Au départ, trois, puis, rapidement, cinq femmes vont devoir s’allier pour survivre dans un monde d’hommes sans pitié. Une esclave de quatorze ans emprisonnée dans une cage, une amérindienne qui manie l’arc et les flèches avec brio, une jeune immigrante anglaise veuve, une institutrice à la retraite et une prostituée en fuite forment ce quintet détonnant. On est dans un western féminin, sauce Tarantino, avec des batailles rangées où les hommes tiennent des carabines et les femmes… se battent avec à peu près tout ce qu’elles trouvent, y compris des aiguilles à tricoter. Elles vont quand même finir par apprendre à se servir de pistolets, les hommes ne leur en laissant pas vraiment le choix. C’est caricatural parfois, la rencontre des cinq héroïnes est vite expédiée mais le tout est bien mené, dans un rythme effréné et avec un dessin haut en couleur, au trait précis et fouillé, des beaux personnages. Bref, on a envie de suivre ces femmes et de savoir si et comment elles vont s’en sortir. Les 2 premiers tomes sont sortis. A suivre…

Nolwenn recommande également le manga ado-adultes Circée , d’Anaïs Eustache (2022, Editions Clair de Lune, 2 tomes parus). Mention spéciale pour cette mangaka française qui nous emmène dans un Paris futuriste hyperpollué, où il faut porter un masque pour sortir et où aucune végétation ne pousse. Thomas, étudiant en biologie et en géosciences, vit chez sa grand-mère passionnée de sorcellerie, ce qui l’agace au plus haut point. Il fait du mieux qu’il peut pour subvenir à leurs besoins à tous les deux et essaye, avec quelques amis étudiants, de trouver une solution pour assainir l’air de manière écologique, au lieu d’avoir systématiquement recours à des solutions technologiques très coûteuses proposées par des entreprises privées en cheville avec le gouvernement. A cela s’ajoutent une jeune fille aux yeux clairs, qui semble avoir le don d’apparaître et de disparaître à l’envie et l’apparition d’étranges plantes géantes. Ce manga de science-fiction mêle joliment le mystère, la sorcellerie et la fable écologique. Un très joli dessin et des personnages attachants, notamment la grand-mère un peu rebelle et branchée.

PROCHAINE RENCONTRE :
LE 3 MAI à 19h